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Northvolt : un an à sonner l’alarme

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En février 2024, suite aux nombreuses actions militantes sur le chantier de Northvolt et aux critiques persistantes des journalistes, Pierre Fitzgibbon déclarait dans une lettre ouverte que « certains militants et certains journalistes tout aussi militants sont beaucoup plus bruyants que la majorité silencieuse qui appuie ces projets. Ils entretiennent une méfiance malsaine. » Il ajoutait même, lorsque questionné plus tard dans les médias, que les chroniqueurs qui veulent faire du sensationnalisme devraient « écrire des romans ».

Or en cet automne 2024, alors que Pierre Fitzgibbon n’est plus dans le portrait, qui pourrait nier la légitimité des critiques au sujet du projet Northvolt? On réalise un peu tard que ces « alarmistes » propageant une « méfiance malsaine » étaient largement justifiés dans leurs inquiétudes, et que ce salissage en règle des critiques, devenu typique de la CAQ post-Covid, est extrêmement coûteux pour le Québec.

En effet, depuis plus d’un an, les chroniqueurs qui, comme moi, on tenté de sonner l’alarme sur les risques entourant la ruée vers l’électrique étaient très souvent qualifiés de « militants », voir même associés aux « coucous complotiste ». Dans ce règne de la pensée unique, le gouvernement de la CAQ s’y donnait à coeur joie à coup de « gaslighting » (manipulations répétées pour faire baisse les gardes à quelqu’un).

Or la politique est un domaine où on regrette souvent avoir eu raison, et je ne peux m’empêcher aujourd’hui d’être clair : je prédisais les difficultés actuelles de Northvolt depuis plus d’un an. Voici donc un résumé de mes interventions dans la dernière année.

Un an à lancer l’alarme

En avril 2023, commentant l’aide du fédéral à hauteur de 4,3 millions par emplois créés pour une usine de batteries Volkswagen en Ontario (un projet échappé par Fitzgibbon en raison de problème d’approvisionnement électrique), je disais :

« De nombreux critiques accusent ainsi le gouvernement Trudeau d’encore une fois dilapider l’argent des contribuables dans des signalements de vertus ruineux qui ne profitent qu’aux grandes entreprises. On y voit une forme de bien-être social corporatif où des entreprises pourtant riches comme crésus font porter le poids des investissements aux contribuables canadiens. »

C’était là une analyse assez générale de la situation, mais déjà en juin 2023, j’expliquais plus clairement les dynamiques économiques absurdes et artificielles de la filière des batteries :

« Ces politiques de transition ne suivent pas un développement organique du marché ; elles sont entièrement stimulées par le haut, par des ententes internationales et des politiques gouvernementales. Certes, les voitures électriques ont connu un certain développement dans les dernières années, mais ce développement a largement été stimulé de manière artificielle par des incitatifs gouvernementaux.

Et pis encore, la volonté de bannir les énergies fossiles et les voitures à essence de manière unilatérale et celle d’absolument tout électrifier du jour au lendemain crée un énorme vide à remplir. Tout un secteur industriel doit désormais être construit, pratiquement de A à Z. Des mines à ciel-ouvert jusqu’aux barrages en passant par les bornes de recharge, les batteries et les technologies automobiles, on met désormais l’avenir de la civilisation occidentale entre les mains de quelques investisseurs qui se frottent les mains.

Et non seulement ça, mais avec les ententes internationales et la coordination du Forum économique mondial, tous les pays se lancent dans la course en même temps! Ce sont donc les investisseurs qui ont le gros bout de bâton et peuvent magasiner à leur guise les pays où implanter leurs usines en fonction des subventions offertes ; s’ensuit une surenchère pratiquement incontrôlable de subventions gouvernementales.« 

En juillet 2023, j’écrivais « qu’en fait, toute la politique énergétique de ce gouvernement ressemble à un gros cercle vicieux qui ne profite qu’aux actionnaires du capitalisme vert: les politiques radicales d’abandon drastique des voitures à essence et du bannissement du gaz naturel font en sorte qu’on se dirige vers un déficit énergétique. »

En septembre 2023, je décrivais dans un article intitulé « La transition énergétique mise sur pause partout dans le monde » comment de nombreux de nos homologues abandonnaient leurs objectifs irréalistes de transition :

« Une autre réflexion de sa part devrait d’ailleurs faire réfléchir les Québécois : Sunak affirme qu’étant donné l’avance du Royaume-Uni par rapport au reste du monde en matière d’énergies vertes et de développement durable, le pays peut se permettre de retarder un peu son échéancier. Le Québec, dont déjà 94% de l’électricité est produite grâce à des barrages hydroélectriques, pourrait se permettre la même réflexion et s’éviter de tomber dans les déficits énergétiques en forçant une électrification prématurée des transports. »

Un mois plus tard, en octobre 2023, je réitérais cette analyse sur le caractère spéculatif de ces investissements dans la transition verte :

« tant du côté fédéral que du provincial, on investit à coups de milliards dans l’implantation d’usine de batteries sur notre territoire, forcés de compétitionner avec l’Inflation Reduction Act américain, qui fait gonfler artificiellement les incitatifs gouvernementaux nécessaires pour attirer les entreprises.

Et si on investit autant dans les batteries, c’est évidemment pour faciliter la production de voitures électriques pour remplacer les voitures à essence qu’on veut bannir en 2035.

Bref, tous ces investissements ne viennent pas tant d’une demande organique du marché ; ils sont essentiellement poussés par les contraintes réglementaires qui sont imposées partout en occident. En bannissant unilatéralement un produit, on crée un immense vide à remplir qui crée une ruée vers les investissements, pour le meilleur et pour le pire.« 

Le mois suivant, je poursuivais encore cette réflexion en qualifiant plus clairement le phénomène de « bulle spéculative:

« J’oserais même dire qu’il s’agit d’une forme de bulle spéculative, étant donné que, comme nous l’avons vu, les besoins de l’industrie sont ici strictement le résultat d’un nouveau cadre réglementaire idéologiquement orienté qui oblige la refondation de fond en comble de l’industrie […]

On a pour ainsi dire créé un vide industriel complet dans l’un des secteurs les plus vitaux pour nos économies, entraînant une course aux investissements, un véritable Far West qui fait s’opposer tous les pays pour tenter d’attirer les constructeurs chez eux. Au lieu d’une croissance organique du secteur automobile, nous assistons à une refondation complètement artificielle de celui-ci.

Dans ces circonstances, on se bat à coups de subventions gonflées dans les milliards de dollars, et les constructeurs automobiles, eux, on le beau jeu de choisir au plus offrant. »

Je concluais ensuite par cet avertissement très clair, auquel nous semblons aujourd’hui faire face :

« Qu’adviendra-t-il si les promesses des voitures électriques ne se réalisent pas? Si, par exemple, la demande continue à stagner et que les populations refusent de se soumettre au bannissement des voitures à essence en raison des craintes sur leur fiabilité, leurs coûts prohibitifs, des circonstances économiques et sociales désavantageuses, etc. Ou bien si une nouvelle technologie innovante s’avère une meilleure alternative, tel que le captage du carbone, l’hydrogène, ou une autre qui reste encore à découvrir? Qu’adviendra-t-il si on finit par réaliser que les coûts environnementaux de la production de batteries et les intenses activités minières qu’elles impliquent surpassent celle des voitures à essence?

On se sera ruiné pour rien et on aura gaspillé une énergie considérable dans un éléphant blanc qui n’aura enrichi que les investisseurs dans leurs projections de court et moyen termes.« 

Retour en février 2024, alors que Fitzgibbon critiquait les journalistes et leur « méfiance malsaine », je répliquais dans un article en rappelant d’abord avoir défendu le gouvernement contre les actions militantes de la gauche radicale, mais en défendant aussi la légitimité des critiques :

« Comme M. Fitzgibbon, je déplore qu’il soit aussi difficile de développer des projets de développement au Québec et je crains qu’on fasse peur aux investisseurs étrangers. Malgré tout, je pense quand même que le Far West de la filière des batteries est irresponsable et risqué. […]

Toute cette frénésie entourant le développement de la filière des batteries prend les traits d’une bulle spéculative créée par le sabotage de l’industrie automobile occidentale dans le cadre de la transition énergétique. Ce qu’on nous présente comme une fatalité est en fait le résultat de politiques réglementaires contraignantes qui font mal à notre économie et notre sécurité énergétique. En l’absence d’une industrie établie en matière de transport électrique, ces politiques forcent la construction en accéléré de tout un parc industriel et une compétition féroce entre les pays occidentaux pour attirer des investisseurs ; d’où l’explosion des subventions. »

En mars 2024, j’analysais que la révision à la baisse des objectifs de transition aux États-Unis était une très mauvaise nouvelle pour nos investissements dans la filière des batteries :

« Le fait que notre principal partenaire économique et marché potentiel de 300 millions de consommateurs décide de retarder ses objectifs de passage aux voitures électrique signifie que ces investissements faramineux s’avéreront plus risqués que ce qui était initialement prévu. Sans parler du fait que cette reconnaissance de la part des États-Unis du côté irréaliste et imprudent d’une transition trop rapide pourrait encourager d’autre pays à suivre le pas. »

Un naufrage complètement prévisible

Sans surprise, dans les derniers mois, les incertitudes potentielles que j’avais soulevé à maintes reprises durant l’année semblent avoir explosé au visage de tout le monde. Peu à peu, les faillites et difficultés financières se sont accumulés dans de nombreux projets dans l’électrique, comme Lion électrique, Taïga motors, etc. mais aussi chez des multinationales plus établies comme Tesla, Ford, Northvolt, etc.

Dès avril, on apprenait que Northvolt connaissait des difficultés et devait « réévaluer sa stratégie ». Le gouvernement et l’entreprise, en mode « damage control », multipliaient les euphémismes pour dissimuler l’inquiétude :

« En avril dernier, le gouvernement expliquait vaguement que la suspension des travaux étaient dus à l’analyse d’une « meilleure option technologique ». Dans les faits, l’entreprise explique désormais que ce sont « les fluctuations de la demande de véhicules électriques » et « les préférences en matière de batteries » qui obligent une « reconception » du projet afin de s’assurer de « sa viabilité et de sa rentabilité sur le long terme » au Québec.

En d’autres mots, les acheteurs de voitures électriques ne sont pas au rendez-vous, ce qui pousse l’industrie à la prudence. »

Le mois suivant, c’était au tour de l’usine Ford/Eco-Pro à Bécancour d’être mis en pause pour les mêmes raisons, ce qui me faisait conclure que :

« les startups dans les transports électriques semblent avoir beaucoup de difficulté à survivre et être rentables et sont des puits sans fond pour l’argent des contribuables. De leur côté, les géants de l’industrie automobile sont de plus en plus frileux dans leurs projets de développement. Tout ça alors que le cadre réglementaire et les incitatifs gouvernementaux poussent avec acharnement dans le sens de cette industrie. Clairement, le problème est beaucoup plus grave qu’on veut l’admettre. En notre société de bien-pensance et de pensée unique, personne n’ose admettre que la technologie n’est tout simplement pas prête, mais les signes du marché, eux, sont tout à fait clairs.

Et finalement, nous avons eu droit au départ précipité de Pierre Fitzgibbon et une succession de nouvelles toujours plus inquiétantes les unes que les autres pour l’entreprise suédoise Northvolt, dans laquelle nous avons déjà investis 710 millions. Et maintenant – seulement maintenant – l’idée que ces investissements sont probablement très risqués semble s’être généralisée… Plus de Fitzgibbon pour nous traiter de romanciers militants, plus de bien-pensants pour nous traiter de complotistes climato-sceptiques ; que des réalisations trop tardives du bordel dans lequel le gouvernement caquiste et libéral nous ont enlisés.

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