Olivier Jolicoeur est étudiant en géographie environnementale à l’Université de Montréal. À l’affut de l’actualité sociale et politique, il s’intéresse aux enjeux qui touchent l’identité, le territoire et l’environnement, mais il reconnait surtout la vertu du désaccord légitime et du débat entre adversaires idéologiques.
Je me permets ce matin quelques commentaires par rapport aux présidentielles américaines.
Au-delà des candidats, de leurs programmes politiques et de leur tempérament, au-delà de l’opinion que l’on se fait de l’un ou l’autre des prétendants, de l’un ou l’autre des partis, une chose est inquiétante : quand tous les médias, à quelques exceptions près, se rangent derrière un candidat, quitte à mentir et déformer la réalité, quand les oligarques du web censurent des reportages qui pourraient nuire à ce dit candidat, quand ils engagent des vérificateurs de faits qui servent en réalité de vérificateurs de conformité idéologique, la démocratie est en danger. Si une telle chose se produit aux États-Unis, la plus grande puissance mondiale, elle peut très bien se produire ici aussi. Ça devrait inquiéter tout le monde, les gens de droite comme de gauche, les conservateurs comme les libéraux, les libertariens comme les sociaux-démocrates.
Il existe depuis quatre ans une hargne continue à l’endroit du Président sortant, aux États-Unis comme ailleurs. À l’image des deux minutes de la haine de 1984, il faut absolument et régulièrement professer sa répugnance et son dégoût à l’endroit du Président. La raison importe peu, mais pour être accepté socialement, il faut sans réserve haïr le méchant monsieur orange. Il faut minimiser et dénigrer tous ses accomplissements, même si certains sont remarquables et auraient fait consensus dans un autre contexte :
– Un taux de chômage historiquement bas pour les communautés noires, pour les Hispaniques et pour les minorités ; non, c’est un raciste.
– Un financement généreux pour les universités traditionnellement noires ; non c’est un suprématiste blanc.
– Importante réforme du système de justice criminel ; c’est un raciste et un suprématiste blanc, sûrement un néonazi aussi.
– L’exécution des terroristes Al-Baghdadi et Soleimani ; troisième guerre mondiale !!! (On l’attend toujours cette troisième grande guerre…)
– Une diminution drastique des coûts de l’insuline et des épinéphrines ; silence radio.
– Un traité de paix historique dans le Moyen-Orient ; un fait divers, c’est probablement une stratégie néocolonialiste.
– « There were very fine people on both sides, and I’m not talking about the neo-nazis and white supremacists because they should be condemned totally. » ; on enlève tout après la virgule et on en parle pendant quatre ans !
C’est sans parler de la supposée collusion avec la Russie dans l’élection de 2016 et la tentative purement partisane de destitution. Cette liste pourrait continuer des pages et des pages.
Donald J. Trump est le nouvel Emmanuel Goldstein.
À l’inverse, les sempiternelles gaffes et les non-sens de Biden sont passés sous silence, ses scandales de corruption ignorés et censurés, des allégations d’inconduite sexuelle à son endroit rejetées du revers de la main, cette liste aussi pourrait être longue…
Que l’on me comprenne bien, je ne suis pas un trumpiste convaincu. Trump n’a pas un tempérament présidentiel, il n’est pas un chef d’État inspirant, il n’est aucunement rassembleur et ses politiques sont imparfaites, mais quand j’observe la politique américaine, je tente de le faire d’un œil neutre, de voir le bon et le mauvais sans présuppositions idéologiques (quelle idée radicale, je sais). Je ne supporte aucun candidat par ailleurs, ce n’est pas mon pays, je ne fais qu’observer. Cela dit, je ne peux m’empêcher de voir la manipulation médiatique, la domination des idéologies de la gauche radicale dans les médias et la paresse intellectuelle pour tenter d’expliquer le « phénomène Trump ». Ces observations s’étendent au nord de la frontière. C’est inquiétant.
Dans un autre ordre d’idées, à observer la couverture médiatique au Québec, on se croirait être le 51e État des États-Unis. On croirait presque que la nomination de Amy Coney Barrett s’est faite dans une cour québécoise ou canadienne. Je ne minimise pas l’importance de s’intéresser à la politique américaine, j’en suis moi-même un fervent adepte, je pense qu’on a beaucoup à apprendre des institutions politiques étasuniennes et leur constitution est à mon sens un bijou de l’Histoire. Mais pendant que l’on pouvait réciter les politiques démocrates par cœur, on ignorait presque l’existence de la course à la chefferie du Parti conservateur du Canada, de la course à la chefferie du Parti québécois. Pendant qu’on sait dans quels États mène Biden et par combien de points, on passe sous silence le contenu de loi 66, on ignore les éternels scandales de Trudeau, on minimise les enjeux sociaux et politiques locaux qui nous touchent directement. Comment ne pas voir dans cette américanisation flagrante de notre politique et de nos sociétés une assimilation culturelle par l’empire américain ? Nos élites diversitaires anticoloniales ne devraient-elles pas s’indigner ?
Je ne sais pas qui gagnera cette élection, si j’avais à prédire je mettrais un petit deux sur Trump, mais au-delà du vainqueur, le climat social est inquiétant. Le « quatrième pouvoir » est plus que jamais corrompu et idéologiquement motivé et la discussion et le désaccord entre adversaires idéologiques sont rendus presque impossibles.
C’est inquiétant.