C’est une stratégie assez étrange à laquelle les bloquistes jouent en ce moment : celle de prétendre que les Libéraux de Justin Trudeau et les conservateurs de Pierre Poilievre, c’est du pareil au même. On comprend bien l’argument sur le fait que le régime fédéral est le problème, mais tout de même… l’affirmation demeure assez farfelue et difficilement défendable.
La bête noire et l’agneau
D’abord, c’est curieusement courageux pour le Bloc de vouloir défendre cette thèse, considérant le degré de diabolisation qui est fait au sujet de Poilievre dans les médias. La campagne n’est même pas encore commencée, et les médias québécois ne cessent de présenter le candidat conservateur comme notre Trump canadien ; un infréquentable, un gars limite « d’extrême-droite », simpliste avec son gros bon sens, etc.
De l’autre côté, on a Justin Trudeau, qui doit être l’une des personnalités canadiennes les plus caricaturées, les plus critiqués, les plus reconnues… Et il vient avec un bagage idéologique et politique énorme de 9 ans, en plus d’être aisément reconnu pour ses positions de gauche, diamétralement opposées à tout conservatisme.
Et voilà que les bloquistes, en mode « damage-control » parce qu’ils essuient des critiques face à leur soutien à Trudeau plutôt qu’à la motion de censure conservatrice prévue la semaine prochaine, lancent à tout vent que de toute façon, « Trudeau ou Poilievre, ça ne change rien! »
Même chose!
Gains possibles… et retombées négatives assurées
Mais l’absurdité ici, c’est surtout l’immense déséquilibre entre les gains possibles qu’espère aller chercher le Bloc versus les effets négatifs de soutenir ce gouvernement un jour de plus.
D’abord, on crée toute cette controverse qui déchire le camp nationaliste uniquement pour forcer la main du gouvernement sur deux ou trois dossiers in extremis, avant sa chute imminente, qui obligera probablement de tout renégocier avec les conservateurs de toute façon. Ça semble être de l’audace mal placée…
Une hausse de la pension pour les aînés dès l’âge de 65 ans, l’augmentation des pouvoirs du Québec en matière d’immigration, l’aide médicale à mourir, la souveraineté… C’est une belle liste d’épicerie, mais en comparaison avec le fait de clore une bonne fois pour toutes un régime libéral qui a doublé la dette, ruiné notre secteur énergétique, ouvert grand les frontières à l’immigration de masse, profité des ingérences étrangères de la Chine communiste, fait la promotion de théories postmodernes délirantes et sapé notre crédibilité à l’international, ça demeure assez secondaire en termes de priorité.
Est-ce que ces quelques dossiers, qu’on présente comme « des gros gains pour le Québec » pourraient, à eux seuls, compenser les bénéfices de maintenir les politiques défaillantes de Justin Trudeau pour quelques semaines encore? Il est justifié d’en douter.
Surtout quand tu révèles ta main d’entrée de jeu en annonçant ton soutien des jours à l’avance, permettant à Trudeau de te savoir dans sa poche! Blanchet a ruiné son levier de négociation cette semaine et déclarant ouvertement ses intentions… Maintenant, il se retrouve simplement sur la défensive, forcé de se justifier pour cette décision prématurée dans les médias.
La priorité en politique canadienne aujourd’hui, elle est très claire: faire partir Trudeau. Toute autre considération qui entraverait cela serait nécessairement superflue.
Nationalisme et renouveau conservateur
Mais au-delà du calcul gains et bénéfices très pragmatique de cet appui tacite à Justin Trudeau par le Bloc Québécois, les dommages les plus sous-estimés sont de l’ordre idéologique et symbolique. Le Bloc québécois apparaît comme complètement incohérent idéologiquement et un peu dépassé par les enjeux du nationalisme en 2024.
C’est-à-dire que pour quelques enjeux provincialistes ponctuels, ce qui se présente comme un parti nationaliste est prêt à serrer la main d’un parti qui déclarait le Canada comme le premier pays « post-national ».
C’est l’équivalent politique de serrer la main du diable : l’idéologie postmoderniste de Justin Trudeau est l’antithèse même du nationalisme promu par les indépendantistes. Et partout sur terre, lui et ses homologues mondialistes, sans-frontiéristes et wokes, font une guerre acharnée contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à du nationalisme.
C’est ça, la réalité : pendant que Blanchet buvait ses petits cocktails à la convention démocrate, avec ses amis mondialistes qui passent leur temps à décrire le nationalisme comme du fascisme, Donald Trump, de son côté, invitait tous les pays à être nationalistes et fiers de leur culture.
La réalité, c’est que le nationalisme en 2024, c’est cette nouvelle droite qu’on dit « populiste » et patriote. Et sans être très clair sur ces questions d’identité, Poilievre incarne tout de même ce fameux « gros bon sens ».
Mais serait-ce par crainte d’être comparé à Trump et aux « populistes » que tous ces nationalistes de pacotilles en viennent à serrer la main au gauchisme dissolveur de nations de Justin Trudeau? Si c’est le cas, ce n’est donc pas de la confusion idéologique ; c’est simplement de la lâcheté.