Pour être «fort et souverain», Danielle Smith invite le Québec à exploiter son gaz naturel

Depuis plusieurs années, le Québec s’enferme dans un discours énergétique où l’électricité publique tient lieu d’idéologie nationale. La filière gazière, pourtant dotée d’un immense potentiel, demeure taboue – écartée par crainte politique plutôt que par raison économique. C’est dans ce contexte d’autolimitation assumée que la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a lancé un message qui résonne comme une provocation autant qu’un conseil avisé. En effet, le journaliste Jacob Serebrin rapporte dans The Montreal Gazette que la première ministre, en visite à Montréal lundi, a invité le Québec à développer sa propre industrie du gaz naturel. Un message surprenant, mais lucide : pour Smith, un Québec fort et souverain au sein du Canada passe d’abord par la maîtrise de ses ressources naturelles.

Le message de Smith : la souveraineté passe par l’énergie

Lors d’un discours à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Danielle Smith a affirmé que le Québec dispose, selon elle, d’« une réserve de gaz naturel suffisante pour deux siècles ». Elle a exhorté la province à exploiter ce potentiel pour se libérer de sa « dépendance totale envers les États-Unis ».

« Si les Québécois veulent être forts et souverains dans un Canada uni, cela commence par le développement de leurs propres ressources », a-t-elle déclaré.

Smith a précisé que l’Alberta serait prête à aider le Québec à bâtir son environnement réglementaire et son système de redevances énergétiques — une invitation directe à s’inspirer du modèle albertain. Elle a aussi souligné qu’une telle industrie pourrait fournir à la province une nouvelle source de revenus, réduisant sa dépendance au système de péréquation fédéral.

Une alliance énergétique interprovinciale possible

Serebrin rapporte que, si l’Alberta n’a actuellement aucun projet de pipeline vers la côte Est, Smith envisage la possibilité de transporter du pétrole jusqu’à Thunder Bay, puis par navire jusqu’à un port québécois. L’objectif n’est pas seulement commercial : c’est aussi une main tendue pour rebâtir un lien de coopération économique entre l’Ouest et le Québec, après une décennie de méfiance et de fractures politiques.

« Mettons les dix dernières années derrière nous et recommençons à construire », a-t-elle lancé. « Chaque province doit développer ses forces. »

Smith a aussi souligné que la dépendance du Canada envers les importations américaines pour les matériaux pétroliers — des tubes de forage à l’acier — mine la souveraineté industrielle du pays. Elle voit dans le Québec et l’Ontario les meilleurs candidats pour rebâtir une base manufacturière nationale capable d’alimenter l’ensemble du secteur énergétique canadien.

Une convergence politique inattendue

Plus surprenant encore, Serebrin note que Danielle Smith voit dans le Québec un allié politique potentiel contre l’ingérence fédérale. La première ministre albertaine a salué la défense par Québec de sa compétence provinciale, notamment à travers l’usage de la clause dérogatoire pour protéger sa loi sur la laïcité.

« Nous sommes tous deux frustrés par un gouvernement fédéral qui veut imposer sa volonté dans les juridictions provinciales », a-t-elle affirmé.

Pour Smith, l’avenir du Canada passe par un retour à l’esprit du fédéralisme authentique, où chaque province exerce pleinement ses pouvoirs exclusifs.

Une main tendue qui résonne au-delà du discours

L’intervention de Danielle Smith n’est pas anodine. Elle traduit une réalité géopolitique intérieure : la fracture énergétique du Canada. Alors que l’Alberta exporte son pétrole et son gaz au prix d’un fédéralisme fiscal souvent déséquilibré, le Québec s’enferme dans un modèle électrique idéologique, niant l’existence même de ses ressources gazières.

En invitant le Québec à retrouver son autonomie énergétique, Smith n’a pas seulement tendu la main à un partenaire économique : elle a lancé un appel à la maturité politique. Un Québec qui exploite son gaz, c’est un Québec plus souverain, moins dépendant des transferts fédéraux et plus intégré dans l’économie réelle du pays.

Et, comme le montre le reportage de Jacob Serebrin, c’est aussi un rare moment où les intérêts de l’Ouest et du Québec convergent – non pas contre le Canada, mais pour le reconstruire à partir de ses provinces fortes et responsables.

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