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Roxham : fermer ce qui l’était déjà et continuer le laxisme

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Bien que le renouvellement de l’entente entre les États-Unis et le Canada sur les pays tiers sûrs annoncé par Trudeau et Biden vendredi passé soit une légère amélioration de la situation catastrophique qui prévalait depuis quelques années au point de passage du chemin Roxham, on reste encore dans les demi-mesures, le laxisme et on continue de construire une justice alternative pour les migrants aux dépens des demandeurs d’asile légaux. Pis encore, loin de vraiment régler le problème, on vient simplement d’ajouter une couche de défi pour les migrants.

Fermer ce qui l’est déjà

Les voyageurs qui traversent les frontières à l’international le savent bien : les douanes, c’est quelque chose de très sérieux. On se conseille parfois d’éviter de blaguer et d’être le plus sérieux possible pour éviter de passer pour arrogant ou trop insouciant. On a l’impression qu’au moindre faux pas, comme une phrase de travers, une hésitation ou une confusion, le douanier nous refusera l’entrée. Chaque voyageur se soumet ainsi à ce petit interrogatoire, la majorité du temps simplement pour des séjours touristiques de courte durée.

La compréhension générale des gens, c’est que tenter de traverser une frontière illégalement leur fera s’attirer de sérieux ennuis, voire une peine de prison, et qu’ils seront instantanément traités comme des criminels. Si on ne peut faire des blagues à un douanier, imaginez essayer de traverser derrière son dos…

La raison est simple : à part à ces postes de douanes, une frontière, c’est, par définition, « fermé ». Tenter de la traverser de manière « irrégulière » est illégal.

Or notre compréhension de la chose change du tout au tout en ce qui a trait à l’immigration. Tout à coup, on devient plus conciliants… Et ce même si contrairement au tourisme, qui stimule l’économie, l’entrée d’un migrant sur le territoire s’accompagne d’une prise en charge coûteuse par la société. Cette tempérance vient évidemment de l’empathie à l’égard des réfugiés qui quittent des situations difficiles, de ces situations où les gens « n’ont pas d’autres choix ». Cela dit, cette sensibilité a été exacerbée de manière exagérée depuis quelques années, au point où la notion de réfugiés semble devenir de plus en plus large, pour inclure ce qui ne sont au bout du compte que des migrants économiques.

J’écoutais un reportage suite à cette annonce de l’entente entre Trudeau et Biden où le journaliste affirmait que les douaniers canadiens avaient installés des affiches mentionnant désormais clairement qu’il était interdit de passer et que les migrants seraient mis aux arrêts. Le hic, c’est que ces affiches sont là depuis de nombreuses années…

En d’autres termes, on vient de fermer… ce qui l’était théoriquement déjà. Ce qui change dans le renouvellement de l’entente, c’est la déportation automatique pour les migrants qui sont au Canada de manière irrégulière depuis moins de deux semaines, et donc la déportation systématique des migrants franchissant le point de passage de Roxham, sauf quelques exceptions, comme le rassemblement de la famille proche ou les mineurs non accompagnés.

Une entente signée depuis un an

Mais ça ne s’arrête pas là : non seulement on ferme une frontière qui, légalement parlant, l’était déjà pour les migrants irréguliers, mais l’entente annoncée en grande pompe la semaine dernière avait déjà été conclue… depuis un an! En effet, l’entente avait été signée par le Canada le 29 mars 2022 et par les États-Unis le 15 avril 2022.

La raison de ce délai dans son application tiendrait supposément à la nécessité de discuter de la logistique de son application, qui aurait été réglée récemment. On voulait s’assurer que le processus de déportation demeure « humain » et qu’on ne déporte pas simplement les gens aux États-Unis sans suivi.

Ainsi, un an après avoir conclu cette entente, 39 000 migrants illégaux ont pu passer par le chemin Roxham.

Ce serait un euphémisme de dire qu’il s’agit là d’un cafouillage dans l’application d’une entente… On serait porté à croire que la volonté de l’appliquer n’était tout simplement pas là, qu’on tentait plutôt de retarder l’application pour faire entrer le plus de gens possible, ou bien qu’on était carrément endormi sur le dossier. Mais il ne s’agit évidemment ici que de spéculation.

Dans tous les cas, Trudeau et Biden ne semblent pas avoir été pressés de fermer le chemin Roxham, et se flattent désormais d’une entente qu’ils ont pris un an à appliquer.

Le défi « clandestin pendant deux semaines »

Pour une rare fois, je suis plutôt d’accord avec les organisations d’aide aux réfugiés : la nouvelle entente, loin de régler définitivement le problème, ne fait qu’augmenter le niveau de difficulté pour les migrants avec des conséquences potentiellement catastrophiques.

Je l’ai déjà mentionné par le passé, mais aux frontières, c’est tout ou rien. Soit on la ferme complètement pour les migrants irréguliers, soit on l’ouvre et assume les conséquences. De la sorte, pourquoi avoir choisi la déportation systématique seulement dans une fenêtre de deux semaines? Veut-on dire qu’un migrant peut gagner sa place au Canada s’il est capable de survivre dans la clandestinité pendant deux semaines?

Veut-on leur lancer un défi?

Et qu’arrive-t-il si un sans-papier réussi à traverser et n’est interpellé que plus tard sur le territoire? N’a-t-il qu’à mentir et dire qu’il est arrivé depuis plus de deux semaines?

En ce qui a trait aux exceptions pour les passages irréguliers, on peut évidemment s’entendre que les mineurs non accompagnés ne devraient pas être déporté, et ce, pour une raison qui dépasse largement les lois sur l’immigration : tout mineur, où qu’il soit, doit être pris en charge par des adultes pour assurer sa sécurité. On ne peut quand même pas expulser un enfant sans ressources.

Or pourquoi avoir inclus le rassemblement familial dans ces exceptions? On a beau tenter de nous rassurer par le fait qu’on parle seulement de la famille proche, mais on consolide tout de même une manière alternative de passer la frontière, une manière de dépasser tous les demandeurs légaux qui ont le respect de passer par les processus appropriés.

Et qu’arrivera-t-il si une famille envoie ses mineurs non-accompagnés d’abord pour ensuite profiter du rassemblement familial? Ne sommes-nous pas, encore une fois, en train de créer un fort incitatif à prendre des risques potentiellement mortels? Ne crée-t-on pas un « défi deux semaines de clandestinité »? Est-ce qu’on n’encourage pas les familles à se diviser et potentiellement mettre leurs jeunes en danger?

Toutes ces exceptions à la règle assez simple qu’il est illégal de passer la frontière de manière irrégulière ne fait que rendre la chose plus dangereuse sans régler le problème. Le message qui est envoyé, c’est que c’est toujours possible d’entrer illégalement, mais qu’il faut s’y prendre différemment.

Le message devrait être clair : puisqu’il est illégal d’entrer illégalement au Canada, TOUT migrant irrégulier sur le territoire devrait être déporté, sans exception. Pas de deux semaines, pas de rassemblement familial ; si ces gens refusent de se présenter aux douanes et faire une demande en bonne et due forme, ils ne seront pas acceptés. Enfreindre une loi ne devrait jamais être le premier acte d’un nouveau citoyen canadien.

« Coincés » aux États-Unis?

Un autre terme qu’on voit sortir dans les médias depuis l’annonce de cette entente, c’est que des migrants seraient « coincés » aux États-Unis… Comme si le pays serait une terre hostile qu’ils devraient fuir le plus rapidement possible. On en revient à cette confusion entre migrants économiques et réfugiés. Et toute la logique de cette entente sur les « pays tiers sûrs », d’ailleurs, repose là-dessus : les migrants doivent appliquer dans le premier pays sûr qu’ils atteignent.

Choisir le pays de ses rêves selon son bon désir et en traverser plusieurs qui sont tout à fait habilités à recevoir n’est malheureusement pas un droit. Le statut de réfugié est une mesure in extremis fondée sur des questions de vie ou de mort, pas une question de goût ou d’ambition.

Habituellement, les flux de réfugiés concernaient les pays voisins de crises ou de guerres ; nous n’avons qu’à penser aux réfugiés palestiniens, installés en Jordanie, ou au Liban, qui attendent depuis des décennies pour retourner sur leurs terres. Quelques fois, les distances étaient plus grandes, mais se limitaient habituellement à un transfert direct d’un pays à un autre (pensons ici aux « boat people » vietnamiens).

Or depuis quelques années, le phénomène migratoire a pris une tournure mondiale, avec des migrants qui traversent des continents entiers et sélectionnent leur terre d’accueil selon leur bon plaisir. Les migrations se magasinent comme une maison, et des migrants crachent désormais sur de nombreux pays habilités à les recevoir afin d’obtenir toujours mieux. C’est en ce sens que même si certains migrants sont véritablement des réfugiés, leur parcours prend de plus en plus la forme d’une migration économique.

Dans un article de La Presse, on avait quelques exemples éloquents : Lackys, originaire d’Angola et ayant traversé 9 pays jusqu’aux États-Unis dans l’espoir d’atteindre le Canada. Herman, originaire de la République démocratique du Congo, pour qui les États-Unis ne suffisent apparemment pas. De multiples sud-américains ayant traversé le continent en entier et les États-Unis, pourtant l’un de pays les plus prospères au monde. Ou dans un autre article, Navid, un Afghan fuyant officiellement les Talibans, mais dont on apprend qu’il vient plutôt d’Iran, car ce sont ses parents qui avaient fui les Talibans dans les années 90…

Et dans tout ça, il est absolument incroyable de réaliser à quel point la figure du passeur est différente pour les Américains selon qu’ils se trouvent à leur frontière sud avec le Mexique ou leur frontière nord avec le Canada. À la frontière mexicaine, le passeur est un vil criminel qui profite de la détresse humaine ; un criminel à mettre aux arrêts. Mais entre New-York, Plattsburgh et Roxham, la chose est totalement normalisée, voire encouragée par les autorités, en autant qu’ils fassent passer les migrants vers le Canada et non l’inverse. C’est rendu le fonds de commerce de certains taxis, comme l’explique bien cet article de La Presse, et on va même jusqu’à offrir des billets gratuits pour des autobus de New-York à Plattsburgh!

Que l’entente avec les États-Unis ne leur impose pas de mettre un terme à l’activité de ces passeurs est absolument inconcevable : on bloque la frontière, mais on continue d’y envoyer des milliers de migrants. Et dans cette organisation aussi bien huilée que des circuits touristiques, on ose dire que certains migrants sont « coincés » aux États-Unis. Quel malheur! C’est seulement le pays avec le plus gros produit intérieur brut au monde, le champion de la liberté dont rêvait tous les immigrants des siècles derniers…

A-t-on oublié ce que signifie la Statue de la Liberté, à New-York, d’où proviennent ces soit-disant réfugiés?

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