Le récent sondage de Léger sur les intentions de vote des Québécois a largement été relayé pour ce qu’il nous apprenait de l’impopularité record de la CAQ, hier, mais il révélait quelques chose de particulièrement intéressant qui n’a été relevé que plus tard, notamment par Mathieu Bock-Côté : le fait que les jeunes penchent de plus en plus vers la droite. Et à ce stade, on ne parle plus d’une tendance timide : le Parti conservateur de Pierre Poilievre est premier dans leurs intentions de vote, et le Bloc d’Yves-François Blanchet, qui a passé les dernières semaines à faire le cheerleader pour Kamala Harris, est bon dernier!
En effet, on peut observer dans les résultats que la tranche d’âge des Québécois de 18-34 ans déclare à 33% soutenir les conservateurs de Pierre Poilievre, suivi de 27% en faveur du NPD, 17% en faveur des Libéraux et un maigre 15% pour le Bloc Québécois. Ce sont là des résultats complètement opposés à la tranche d’âge des 55 ans et plus, qui affirment un support de 48% pour le Bloc Québécois, 28% pour le Parti libéral, 17% pour le Parti conservateur et un infinitésimal 4% pour le NPD.
On peut donc en conclure qu’il y a un réel fossé générationnel entre les jeunes, plus attirés par le conservatisme, et les générations plus âgées, dont le support pour des options plus progressistes demeure fort.
Ces résultats remettent aussi complètement en question ce mythe selon lequel les jeunes sont nécessairement plus de gauche. C’était peut-être vrai dans les conditions particulières de la deuxième moitié du XXe siècle, où on grandit des baby-boomers anticonformistes et des X « no future », et c’était peut-être encore le cas jusqu’à récemment avec les Milléniaux, qui ont grandi dans les promesses de la mondialisation, mais de toute évidence, les générations Z et Alpha (ironique comme nom, n’est-ce pas?) qui ont grandi dans les désordres des guerres terroristes, des crises migratoires, de la pandémie et des incertitudes économiques ne voient aucun attrait aux légèretés progressistes.
En ce sens, on peut probablement en conclure que cette impression d’une jeunesse nécessairement de gauche n’était qu’un épisode historique particulier, et que les jeunes sont plus rationnels dans leur positionnement idéologique qu’ils ne le paraissent.
J’en ai déjà parlé à quelques reprises (ici, ici, et ici), mais je suis d’avis que les instabilités de la dernière décennie ont définitivement brisé ce rêve de pacification rose-bonbon du monde, et que les jeunes comprennent désormais plus tôt dans leur développement les bénéfices de la discipline, de la responsabilité, de la recherche d’un bon travail et de la fondation d’une famille. Peut-être, aussi, pouvons-nous ajouter au portrait l’apparence dystopique de cette société hyper-technologique, qui ravive le goût pour un mode de vie traditionnel, le grand air, la simplicité.
Dans tous les cas, ça devrait assurément inquiéter le Bloc Québécois, qui, on le sait, ne fait pas campagne seulement pour promouvoir une vision progressiste, mais surtout pour promouvoir le nationalisme québécois. Au regard de ces chiffres, son positionnement sur l’axe gauche-droite vient carrément nuire au renouvellement de son message nationaliste chez les jeunes.
D’ailleurs, comment les jeunes pourraient-ils comprendre un parti nationaliste qui s’oppose tant à ce qu’on appelle la « droite populiste », dont le message est carrément la préférence nationale? Ces jeunes n’ont pas grandi lors de la décolonisation, alors que les mouvements nationalistes étaient plutôt marxisants… Ils ont grandi à l’époque du Brexit, de Donald Trump et du Rassemblement National, qui sont désormais les véritables options nationalistes et alliés objectifs du nationalisme québécois.
Je vais en choquer certains, mais la question se pose : le Bloc est-il un parti de boomers, pour les boomers? Une prise de conscience s’impose.