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Montée du conservatisme : la majorité des jeunes de 18 à 34 ans au Québec souhaite qu’on exploite nos propres sources pétrolières

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Dans le récent sondage IPSOS-IEDM sur l’énergie au Canada en 2024, on a pu observer des tendances assez étonnantes. Notamment, celle du plus grand soutien des jeunes pour le secteur des hydrocarbures. Dans un contexte politique où l’on semble prendre tous les jeunes pour des éco-anxieux à tendance de gauche qui votent pour Québec Solidaire, force est de constater que le portrait est tranquillement en train de changer, et qu’une remontée du conservatisme commence à se faire sentir.

Une jeunesse pro-hydrocarbures?

En effet, le soutien à l’exploitation de nos propres ressources pétrolières au Québec obtient 53% d’appui chez les 18-34 ans, tombe à 48% chez les 35-54, et à 46% chez les 55 ans et plus. Et oui, cela veut dire que ce sont les générations les plus âgées qui sont les plus opposées aux hydrocarbures, et que les préoccupations de la jeunesse sont peut-être beaucoup plus pragmatiques et centrées sur la sécurité économique qu’on le pense.

La tendance s’observe aussi au niveau national, par exemple dans le cas du soutien à la construction de nouveaux oléoducs vers les ports canadiens pour accéder aux marchés européens et asiatiques. Un incroyable 69% des jeunes de 18-34 ans sont en accord, alors que le soutien tombe à 61% chez les 35-54 ans, et à 55% chez les 55 ans et plus.

D’une manière qui peut paraître un peu paradoxale, le portrait est complètement inversé en ce qui a trait à l’interdiction des voitures à essence en 2035, qui obtient plus de soutien chez les jeunes. En effet, les 18-34 ans sont 55% à appuyer l’idée, alors que le soutien s’écroule complètement chez les plus âgés, avec 43% d’appuis chez les 35-54 ans et seulement 26% chez les 55 ans et plus. On peut cependant expliquer ces résultats en une plus grande confiance des jeunes envers l’électrification des transports, comme pourraient le suggérer les résultats à la question si l’interdiction en 2035 est réaliste : 42% des 18-34 ans croient que c’est le cas, alors que c’est le cas seulement chez 26% des 35-54 ans, et 14% des 55 ans et plus.

On pourrait donc probablement en conclure que les jeunes sont généralement plus confiants envers le développement technologique et les politiques de transition que leurs aînés, mais semblent aussi reconnaître de manière croissante les vertus de produire nos hydrocarbures localement plutôt que de les importer. Mais d’autres indicateurs pourraient expliquer les causes profondes de ce soutien supérieur au pétrole québécois chez les jeunes, notamment, une attitude plus pragmatique sur les questions économiques que ne l’était la génération antérieure.

Une jeunesse conservatrice?

Je fais souvent cette comparaison : les milléniaux sont aux baby boomers ce que la génération z est aux X. Les milléniaux ont, en quelque sorte, connu leurs « Trente glorieuses » comme les baby boomers : c’est une génération chouchoutée par la fin d’une « guerre » (la Guerre Froide), l’ouverture du monde et des possibles, l’explosion d’internet, des réseaux sociaux, etc. Pas de doute que c’est une génération qui se voulait elle-même un peu révolutionnaire et immensément idéaliste. C’était l’ouverture du monde, l’objectif était donné de le pacifier. Et ce sont eux qui ont mis en place les « politiques wokes » sur les lieux de travail, dans l’esprit de ce grand idéalisme égalisateur…

Mais après des décennies d’humanitarisme en faillite, de guerres moyen-orientales, de reprises de tensions intercontinentales, de confrontations avec la Russie, de reprise de la guerre entre Israël et la Palestine, la question de la pacification est définitivement hors du portrait pour la génération Z. Elle n’aura jamais entretenu cet idéalisme typique des milléniaux. Et puis sur le plan social et de la qualité de vie, c’est aussi une génération désillusionnée face à la dégradation de son pouvoir d’achat, au fait que son rêve d’accéder à la propriété s’éloigne toujours plus, tout ça face à une insécurité sociale grandissante causée par des vagues après vagues de migrants depuis 2015, et maintenant des guerres de gangs, et puis quoi encore? Une pandémie et les pires mesures liberticides de l’histoire récente, sans même mentionner la tristesse de vivre dans une société scotché sur son smartphone, et l’espèce d’angoisse technologique alimenté par le développement de l’intelligence artificielle…

Je ne veux pas paraître sombre pour les zoomers, mais vous voyez un peu le portrait : ce n’est pas l’ambiance d’optimisme débordant des années 1990 et 2000. C’est en cela que je les compare aux X, qui ont popularisé l’expression « no futur » en des années 80 assez difficiles. Et tout ça a comme conséquence de rendre à mon avis cette génération beaucoup plus réaliste quant à ses attentes par rapport au monde, et à se responsabiliser pour s’assurer une bonne qualité de vie. Bref, un contexte propice à une vision centrée sur l’économie, une vision plus conservatrice.

Ce retour de balancier conservateur dans la jeunesse était d’ailleurs le sujet d’un article dans Le Devoir en mai dernier. Dans « La tentation conservatrice de la jeunesse », Stéphane Baillargeon, inquiet, se questionnait : « Le spectre du glissement à droite de la société, y compris de la belle jeunesse, revient hanter les sociétés occidentales. Le Québec suivra-t-il la tendance ? » Il observait en effet qu’en Italie, le tiers des 18-34 ans supportait l’un des partis de la mouvance nationale-conservatrice, et que cette vague avait atteint « la Suède, la Finlande, la République Tchèque et les Pays-Bas. » En France, le tiers (32%) des électeurs de 18 à 25 ans supporte le Front National. En Allemagne, le soutien des 14 à 29 ans au parti Alternative Für Deutschland, qualifié de « radical et populiste », est passé de 9% à 22% en deux ans. Aux États-Unis, les moins de 30 ans sont 37% à soutenir Donald Trump…

Pour ce que ça vaut, selon un sondage de Léger en août dernier, les canadiens de 18-34 ans sont 40% à soutenir Pierre Poilievre. C’est donc dire que le Canada suit la même tendance, malgré toutes les pirouettes qu’on peut faire pour essayer de se convaincre que le Canada est une exception.

Évidemment, le portrait est un peu différent au Québec, le vote et les partis étant constamment divisés sur la question nationale, brouillant les carte du positionnement sur l’axe économique. On se retrouve avec diverses franges de droites qui, selon la priorité qu’elles accordent entre l’axe identitaire et l’axe économique, se retrouvent dans des partis complètement différents. Mais la tendance des générations montantes vers le conservatisme s’observe tout de même.

Dans l’article de Baillargeon, le sondeur Jean-Marc Léger explique qu’à partir de 2012, la jeunesse s’est massivement tournée vers la gauche et Québec Solidaire, mais que dix ans plus tard, à partir de 2022, le Parti conservateur du Québec n’a cessé de monter dans cette tranche d’âge : « On voit poindre alors une affinité avec le Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime. On parle bien d’une formation qui occupe un créneau opposé à celui de QS. Et maintenant, le PCQ a une clientèle assez jeune, au même titre que Québec solidaire. »

Bref, en un contexte où la CAQ semble se surpasser en politiques vertes pour impressionner la jeunesse, au point où elle a carrément été qualifiée de « géant vert », il serait temps qu’elle se mette à jour et prenne en considération ce regain conservateur dans la jeunesse ; une politique conservatrice plus assumée et en faveur de notre enrichissement par l’exploitation de nos hydrocarbures, couplée à la vision nationaliste de la CAQ, pourrait s’avérer extrêmement payante.

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