Les prochaines élections provinciales de 2022 représenteront un moment crucial pour l’avenir de la démocratie québécoise. En effet, exceptionnellement, le citoyen québécois n’aura pas seulement à sélectionner un député de circonscription, il devra aussi se positionner en faveur ou défaveur face à la réforme du mode de scrutin. C’est une procédure qu’on qualifie de démocratie directe, alors que le vote habituel pour un député relève plutôt de la démocratie représentative. Cette fois, le devoir du citoyen sera donc double : il devra à la fois trancher pour la représentation parlementaire à l’Assemblée nationale du Québec mais aussi sur les modalités de la démocratie québécoise.
Représenté à première vue comme un progrès incontournable pour la démocratie québécoise, le nouveau mode de scrutin souhaite valoriser une meilleure représentativité du vote québécois au sein du parlement. Cependant, après réflexion, cette reconfiguration aurait des effets profondément désastreux pour le pouvoir québécois. C’est ce que nous révèle le politologue Christian Dufour dans son récent ouvrage, « Le pouvoir québécois menacé : non à la proportionnelle ». Sans pour autant pencher dans le camp du paradigme souverainiste ou fédéraliste, sa perspective s’inscrit directement en défense du pouvoir de la nation québécoise.
Plusieurs facteurs viennent appuyer cette prise de position. En particulier, la position géopolitique et démographique du Québec. Seule nation francophone au sein d’un continent anglophone, il est absolument vital que l’État québécois soit régi par un gouvernement fort afin d’assurer la pérennité du fait français au sein du territoire québécois. L’argument linguistique entre en compte mais on peut aussi élargir l’enjeu à l’ensemble de la spécificité culturelle propre au territoire québécois, incluant la laïcité. La réforme du mode de scrutin affaiblirait l’effectivité de l’État québécois quand viendrait le temps de légiférer en fonction d’un cadre d’intérêt national. Plus spécifiquement, il suffit de penser à la loi 101 et la loi 21, deux lois fondamentales afin de protéger notre spécificité nationale. L’application de ces deux lois nécessite une assise parlementaire
robuste afin de mettre en œuvre la régulation politique. Une réforme du mode de scrutin affaiblirait la défense politique de la nation québécoise.
Le présent mode de scrutin avantage les régions au dépit de la ville de Montréal. La réforme du mode de scrutin tenterait d’équilibrer cet état de fait et de renforcer la représentativité de la métropole à l’Assemblée nationale du Québec. Or, permettre cette configuration serait une atteinte directe au pouvoir québécois et affaiblirait les leviers de défense de la nation québécoise. Épris d’une volonté de s’ériger en cité-État, Montréal est diamétralement en rupture avec l’ensemble du territoire québécois et cherche à se gouverner tel un royaume distinct. Stimulé par le cosmopolitisme et l’ouverture inconditionnelle à l’Autre, la métropole est virtuellement déracinée du Québec. Ce faisant, la défense du fait français ou la mise en application de la laïcité sont en tension avec les valeurs et mœurs de la métropole. En conséquence, donner plus de pouvoir à Montréal affaiblirait inévitablement la spécificité culturelle du Québec.
L’historien national du Québec, Lionel Groulx, qualifiait le Québec comme « foyer lumineux de l’Amérique française ». Sachant notre fragilité en tant qu’unique nation francophone et laïque au sein d’un continent largement anglophone, nous devons nous assurer d’un gouvernement fort et stable afin de protéger et perpétuer la spécificité culturelle du Québec. La réforme du mode de scrutin affaiblirait considérablement nos moyens à disposition pour mettre en pratique une défense nationale substantielle. À la lumière de cette situation, l’opposition à la réforme est une juste réponse.