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Erdoğan, indélogeable?

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Le dimanche 14 mai 2023 était jour de l’élection présidentielle et des élections législatives en Turquie. Dans la foulée d’une inflation galopante ayant atteint 85% l’an dernier et de l’insatisfaction face à la réponse aux séismes du mois de février, les sondages annonçaient la défaite du président sortant Recep Tayyip Erdoğan dès le premier tour. Erdoğan, le leader de l’AKP [droite islamo-conservatrice], est cependant arrivé en tête avec 49.5% du vote, à un demi-point de pourcentage d’une majorité absolue, ce qui aurait évité la tenue du second tour présidentiel prévu pour le 28 mai. En 2018, il avait obtenu 52.6% du vote. Erdoğan a eu 69 ans le 26 février.

Deux autres hommes briguaient la présidence de l’état transcontinental de presque 85 millions d’habitants: Kemal Kılıçdaroğlu, président du CHP [centre-gauche laïc et europhile], le principal parti d’opposition, qui arrive en seconde place avec 44.9%. Et Sinan Oğan, anciennement du MHP [populisme nationaliste conservateur], qui se présente comme candidat de l’Alliance Ancestrale, une coalition national-conservatrice « anti-immigration » qualifiée d’extrême droite, qui a récolté 5.2% des voies. Un quatrième candidat s’est désisté 4 jours avant le scrutin, entre autres raisons pour ne pas nuire à l’élection du principal opposant, Kemal Kiliçdaroglu.

Comme il existe une multitude de partis politiques en Turquie, la vie politique s’articule autour de coalitions électorales qui peuvent fluctuer au fil des élections.

L’AKP d’Erdoğan est arrivé en première place aux élections législatives, remportant 267 des 600 sièges de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui est un parlement monocaméral. En tout, l’Alliance Populaire [la coalition électorale dont fait partie l’AKP] a fait élire un total de 322 sièges, lui assurant la majorité parlementaire.

La seconde coalition en importance, l’Alliance de la Nation, dont fait partie le CHP de Kılıçdaroğlu a fait élire 213 députés. Une troisième coalition, l’Alliance du Travail et de la Liberté, qui regroupe les partis de gauche, a fait élire 65 sièges. La gauche a préféré ne pas présenter de candidat présidentiel afin de ne pas nuire à Kemal Kılıçdaroğlu. Le front commun du centre et de la gauche pour faire barrage à Recep Tayyip Erdoğan n’a pourtant pas fonctionné.

L’obtention d’un dixième des voies allouées au candidat éliminé suffira pour qu’Erdoğan atteigne 50% du vote le 28 mai. Sinan Oğan, un nationaliste-conservateur laïc qui est reconnu pour son opposition aux groupes Kurdes qu’il associe au terrorisme et à l’accueil de réfugiés Syriens, n’a pas encore émis de consigne pour ses électeurs, mais Erdoğan n’a pas réellement besoin de son appui de toute façon.

Des données non publiées recueillies en janvier 2023 pour le « Baromètre syrien » par le professeur Murat Erdogan [aucune parenté avec le président] indiquent que 28,5% des Turcs considèrent les Syriens comme le problème principal en Turquie, en augmentation de 3% par rapport à 2022. La Turquie abrite actuellement plus de 3,5 millions de Syriens qui bénéficient d’un statut temporaire. Beaucoup d’entre eux travaillent illégalement. S’ajoutent quelques 250,000 citoyens naturalisés et 100,000 autres qui détiennent un permis de séjour valide, ce qui donne près de 4 millions.

La Turquie compte aussi environ 400 000 migrants irréguliers provenant principalement d’Afghanistan, du Pakistan, d’Irak et du continent africain, ainsi qu’un million de réfugiés en attente d’expulsion. Ça porte le nombre total de réfugiés en Turquie à 5,5 millions. La question fait suffisamment l’unanimité pour que les deux candidats présidentiels promettent des solutions pour rapatrier les Syriens dans leur pays d’origine. Reste à voir comment le réel du terrain leur permettra de les appliquer. Beaucoup de ces Syriens sont au pays depuis une décennie.

À quoi se résume le choix électoral du peuple turc?

D’un côté, la suite du régime d’Erdoğan, qui s’est progressivement éloigné des principes kémalistes pour poursuivre un programme islamisant, qu’on accuse de dérive autoritaire depuis le coup manqué de 2016, et qui n’est pas le plus fervent défenseur de la liberté d’expression. Anecdote: dans le dernier droit de cette campagne présidentielle, le gouvernement turc a envoyé cinq ordonnances à Twitter requérant que le réseau social restreigne l’accès à certains contenus en Turquie, soit quatre comptes d’opposants et 409 tweets identifiés.

De l’autre côté, Kemal Kılıçdaroğlu, qui aura pourtant 75 ans en décembre, est présenté comme le candidat de la jeunesse et de l’ouverture. Il est tout à la fois laïc, sympathisant de l’Internationale Socialiste et européiste. Un chef politique de pays musulman qui tente de ménager la chèvre et le chou LGBTQ+. Les médias de masse qui appuient habituellement les pires mondialistes l’affectionnent et semblent souhaiter sa victoire.

Une administration Kılıçdaroğlu [qui ne verra probablement pas le jour à moins d’un miracle] serait beaucoup plus alignée sur la volonté de l’Union Européenne qu’elle est désireuse d’intégrer, notamment dans sa réponse au conflit ukrainien, alors qu’un Erdoğan plus géopolitiquement indépendant serait mieux placé pour faciliter d’éventuels pourparlers afin de mettre fin aux hostilités. Sous un autre mandat Erdoğan, le dossier de l’adhésion de la Turquie à l’UE a de meilleures chances de demeurer au point neutre.

Notons aussi que la Turquie est la deuxième armée en effectifs au sein de l’OTAN après les États-Unis ; sa position sur le conflit ukrainien pourrait donc s’avérer déterminante dans les rapports entre l’Ouest et la Russie.

Le second tour du 28 mai ne fera probablement que confirmer et valider le résultat du premier. La Turquie poursuivra son renouveau traditionnaliste néo-ottoman et nationaliste, préférant la sécurité d’une position mitoyenne entre l’Ouest et la Russie, plutôt qu’un renouveau kémaliste aux apparences de dissolution nationale dans un mondialisme occidentalisant. Le prochain mandat correspondra à des temps économiquement et socialement difficiles. Il sera intéressant de voir comment un État-nation qui, contrairement à nombre de pays occidentaux, n’a pas perdu sa pulsion de vie choisira d’y faire face.

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