L’Agence France Presse nous apprend qu’une «vidéo mentionne un « Reich unifié » sur un compte de Trump». Le scandale, en lien avec une vidéo partagée sur le réseau Truth Social en pleine campagne présidentielle, est d’ailleurs rapporté par l’ensemble de la presse américaine. CNN titre: «La campagne Trump partage une vidéo faisant référence à l’Allemagne nazie» [Trump campaign shares video referencing Nazi Germany]. Pour le New York Times: «Trump publie, puis supprime, une vidéo en ligne avec des titres au sujet d’un « Reich Unifié »» [Trump posts, then takes down, video online with headlines about a « Unified Reich »].
Le directeur de la campagne Biden, James Singer, ne pouvait pas laisser passer l’affaire sous silence: «[Trump] dit exactement à l’Amérique ce qu’il a l’intention de faire s’il reprend le pouvoir: régner en dictateur sur un « Reich unifié »». Par voie de communiqué, le secrétaire de presse adjoint de la Maison Blanche, Andrew Bates, a déclaré qu’il est «odieux, écoeurant et honteux pour quiconque de promouvoir un contenu associé au gouvernement nazi allemand d’Adolf Hitler». Le procureur Jack Smith, qui intente deux des poursuites contre Trump, a retransmis la vidéo sur X avec une mise garde pour l’électorat américain.
Trump et son équipe sont-ils allés trop loin cette fois-ci? Comment décrypter cette polémique?
Première chose, Donald Trump n’a pas publié lui-même la vidéo car il était en cour. Il s’agit d’une vidéo de 30 secondes partagée par un membre du personnel de campagne, et qui n’avait pas été créée par la campagne Trump. On y présente une succession de grands titres hypothétiques advenant une victoire de Trump en novembre: «Trump remporte une victoire par un raz de marée électoral», «Que réserve l’avenir à l’Amérique?», « Forte croissance économique», «La frontière est fermée – 15 millions d’illégaux déportés», «La paix par la force – fin à la guerre perpétuelle», «Restauration de la loi et l’ordre», «Retour du rêve américain».
Vous risquez de répondre que ladite référence au « Reich unifié » ne saute pas aux yeux, et vous n’aurez pas tort. La vidéo a été réalisée à l’aide d’une maquette disponible en ligne. Ainsi, les articles fictifs au sujet d’une nouvelle administration Trump sont entourés d’articles de presse vintage qui, en plus d’être floutés, défilent à vive allure. Par contre, en appuyant sur pause et en faisant un bon zoom, on peut déchiffrer: «Capacité industrielle considérablement améliorée grâce à la création d’un Reich Unifié» [Industrial strength significantly improved by the creation of a unified Reich].
Peu après, le titre d’un autre ancien article se lit plus clairement: «28 juillet 2014 – 11 novembre 1918». Si on prend la peine de s’intéresser aux vieux articles qui figuraient dans le modèle, on s’aperçoit qu’ils font référence à la Première Guerre Mondiale. Vous chercherez longtemps une référence à l’Allemagne nazie, car il n’en était évidemment pas question à l’époque du 2ème Reich.
Cette nouvelle ne nous apprend absolument rien sur Trump, sinon que ceux qui gèrent son compte Truth Social passent moins de temps à scruter le contenu partagé que les adversaires de Trump, qui se consacrent vraisemblablement à ausculter chaque publication en quête de quelque chose de répréhensible.
Face à l’évidence, les anti-Trump soutiennent que si la vidéo en question n’avait rien de condamnable, elle n’aurait pas été supprimée. Donald Trump n’a pas le réflexe de se justifier et de s’excuser pour des propos suscitant l’indignation médiatique. Le problème avec la vidéo n’est pas dû à une quelconque référence au nazisme, surtout qu’il n’y en a pas, mais dans l’anachronisme des articles figurant dans le modèle utilisé pour sa création. Le début des années 1900 et la Première Guerre Mondiale sont passés date. Le scandale aura attiré l’attention sur ce détail, sans importance au niveau du message, mais qui déroge au perfectionnisme s’il doit être question des années 2020.
Ce scandale fabriqué témoigne de la panique du camp Démocrate et de son appareil médiatique face à la montée de Trump dans les sondages et aux difficultés que rencontrent les différentes poursuites intentées contre lui. Tandis que la juge Cannon a reporté indéfiniment le procès des documents classifiés, la poursuite fédérale pour obstruction aux élections de 2020 est ajournée en attendant l’issue de l’appel de Trump. Quant à l’affaire de subversion électorale, la cour d’appel de Géorgie a déclaré qu’elle entendra la requête de Trump pour disqualifier la procureure Fani Willis. Reste le procès new-yorkais pour dépenses de campagne illégales [celui en lien avec les paiements versés à la réalisatrice de films pornographiques Stormy Daniels dans le cadre d’un accord de non-divulgation] qui a reçu du plomb dans l’aile suite au témoignage de Michael Cohen, l’ancien avocat de Trump, qui a avoué avoir volé son client.
L’affaire nous en dit davantage sur ABC, MSNBC et CNN, qui se couvrent de ridicule en montant cette vidéo en épingle. Soit les commentateurs qu’on retrouve sur ces plateaux n’ont aucune notion historique, ou bien ce sont des propagandistes éhontés. J’ose croire que ces individus savent que le nazisme n’était pas en cause lors de la Première Guerre Mondiale. Certains de ces journalistes et/ou présentateurs ont moindrement d’honnêteté et expliquent qu’il ne s’agit pas d’une référence explicite au 3ème Reich… mais que le lien est légitimé par les déclarations problématiques passées [jugées racistes, fascistes, etc] de Trump. Sauf que tous les propos qu’on lui reproche ont été déformés et sortis de leurs contextes au moyen de manigances comme celle-ci. Les médias de masse alimentent l’hystérie de manière décomplexée, et se demandent pourquoi une proportion croissante du public les délaisse.
