La multinationale canado-américaine Molson Coors a annoncé la fin de toutes les initiatives en matière de diversité, d’équité et d’inclusion [DEI]. De plus, la compagnie a déclaré qu’elle cessait de participer au programme de classement de la «Human Rights Campaign», selon lequel les entreprises sont évaluées en fonction de leurs politiques inclusives envers la «communauté LGBTQ+».
L’annonce était passée sous mon radar. C’est l’indignation de la «communauté LGBTQ+» sur les réseaux sociaux appellant au boycott des produits Molson qui a attiré mon attention [j’utilise les guillemets, parce que cette communauté n’existe pas. Il y a des individus L, G, B, et T, ainsi que des personnes qui se reconnaissent peut-être dans le fourre-tout désigné par le Q+, mais il n’est pas question d’une communauté à proprement parler]. Il serait question de transphobie, mais aussi d’homophobie et de «haine».
En quoi consiste l’annonce de Molson Coors, et en quoi serait-elle à ce point répréhensible? Avant ces modifications, Molson Coors s’était engagée à promouvoir l’inclusion des minorités et des groupes sous-représentés, autant au sein de l’entreprise que dans ses relations commerciales. Molson Coors avait des cibles spécifiques pour s’approvisionner auprès d’entreprises dirigées par des femmes ou des minorités. Cherchant à augmenter la diversité parmi les cadres supérieurs, la compagnie s’était également fixé des objectifs de représentation au sein de ses équipes de direction. Les dirigeants recevaient des primes liées aux progrès réalisés en matière de diversité. En court, il s’agit de l’abandon de la discrimination positive et des incitatifs qui s’y rattachaient.
Mais ce n’est pas tout. Molson Coors va aussi cesser de participer à l’indice d’égalité des entreprises [en anglais, Corporate Equality Index ou CEI] mis en place par Human Rights Campaign: un programme qui évalue les pratiques des entreprises dans le prisme LGBTQ+, telles que la non-discrimination dans les politiques d’emploi, l’égalité des avantages sociaux et les initiatives pour créer un environnement de travail inclusif pour les personnes LGBTQ+.
Étant donné que Human Rights Campaign est une organisation de défense des droits LGBTQ+ très influente, son indice s’est rapidement imposé comme incontournable par les entreprises désireuses d’être perçues comme progressistes et inclusives. Une pression externe provient de l’utilisation du CEI par les investisseurs, les employés potentiels et les consommateurs pour évaluer la politique d’une entreprise.
Le barème qu’utilise Human Rights Campaign pour déterminer sa notation CEI mérite de s’y attarder: 30 points alloués aux politiques de non-discrimination à l’embauche; 30 points pour l’égalité des avantages sociaux pour les employés LGBTQ+, ce qui inclut les soins de santé, y compris la couverture pour les soins d’affirmation de genre; et 40 points pour la mise en place de formations sur la diversité LGBTQ+, de réseaux de soutien pour les employés LGBTQ+, et la démonstration d’un engagement public envers les causes ou les événements LGBTQ+. Une entreprise doit obtenir au moins 80 points pour être considérée comme favorisant activement « l’égalité » des employés LGBTQ+. Voilà qui explique la surenchère que se livrent les multinationales pour signifier leur soutien à l’acronyme LGBTQ+. Pourquoi est-ce que Human Rights Campaign, un simple lobby, devrait imposer son militantisme idéologique aux multinationales?
Il y a un lien à faire avec les firmes spécialisées dans la notation ESG [comme MSCI ESG Ratings, Sustainalytics ou Vigeo Eiris] qui se concentrent sur l’évaluation des performances environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises. Les performances d’une entreprise sur des critères comme l’inclusion LGBTQ+ mesurées par le CEI, peuvent être prises en compte dans les notations ESG, particulièrement sous le pilier « S » (Social), qui évalue les efforts de l’entreprise pour promouvoir la diversité et l’inclusion. Un bon score au CEI pourrait donc avoir un impact positif sur la composante sociale d’une évaluation ESG.
Contrairement à ce que soutiennent les internautes indignés qui se sentent représentés par l’acronyme LGBTQ+, il n’y a rien d’homophobe, de transphobe ou de haineux dans la démarche de Molson Coors.
Il est question de mettre fin à ce qu’on appelle l’action affirmative, une discrimination dite positive – mais qui n’en est pas moins discriminatoire. L’embauche devrait s’effectuer uniquement en fonction du mérite. Je ne me sentirais aucunement valorisé s’il planait le doute d’avoir obtenu mon poste afin de remplir un quota.
Pourquoi une compagnie devrait-elle investir du temps et de l’argent dans ces « formations sur la diversité LGBTQ+ », qui constituent un pur endoctrinement propagandiste? Dès qu’on ajoute le TQ+, on se retrouve en terrain idéologique post-progressiste [wokisme]. Cet acronyme cautionne la notion d’identité de genre et toutes les dérives du transgenrisme politique, allant de l’imposition de néo-pronoms, à la participation de mâles humains dans le sport féminin, aux chirurgies « d’affirmation de genre » pour mineurs et aux interactions de drag queens avec les tout petits afin de leur lire des contes idéologiquement biaisés.
Il ne faut pas chercher plus loin pour trouver la cause du contrecoup à l’endroit des minorités sexuelles. Les L, G, B et T gagneraient à répudier collectivement cet acronyme et l’activisme qui le porte [bravo à ceux qui le font déjà, et qui bravent l’ostracisme de la bien-pensance communautariste].
Il ne faut pas sous-estimer la portée de nos choix de consommation. Les ventes de Bud Light avaient considérablement chuté suite à la campagne publicitaire controversée impliquant l’activiste transgenre Dylan Mulvaney en avril 2023. Dans le cas présent, le tableau est renversé: l’appel au boycott est lancé par des activistes LGBTQ+, mais il y a un vaste bassin de consommateurs susceptibles d’encourager des entreprises moins focalisées sur la « diversité ». Saluons le courage politique de Molson Coors et espérons que cette décision provoque un effet d’entraînement.