François Legault est le dirigeant politique qui a mis fin à la période de déprime postréférendaire que le Québec traversait. Pour y arriver, il a décidé de faire un pari audacieux : celui de prôner et de mettre en action un nationalisme de réconciliation. Mais la réconciliation entre qui et qui ?
Ma théorie est simple. François Legault représente une figure qui fait le compromis entre les nationalismes de Maurice Duplessis, de Robert Bourassa et de René Lévesque. Il veut réconcilier le nationalisme conservateur de Maurice Duplessis, le fédéralisme « rentable » et axé sur la prospérité de Robert Bourassa ainsi que l’indépendantisme de gauche promu par René Lévesque. De telles réconciliations dans l’histoire récente ne peuvent qu’être accomplies que par des leadeurs forts. Par exemple, toutes proportions gardées ceci dit, la réconciliation entre la vieille Russie tsariste orthodoxe et l’héritage soviétique de grandeur n’a pu être opérée que sous le leadeurship marqué de Vladimir Poutine.
Au passage, il est nécessaire de préciser que si le pouvoir de François Legault est aussi apprécié des Québécois, c’est en raison de l’authenticité qu’il dégage. Et savoir dégager une réelle authenticité tout en étant aussi habile, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai énormément de respect en l’équipe de François Legault. C’est un peu comme le joueur de hockey tellement talentueux que tout ce qu’il fait semble facile.
Ainsi, si Legault fait consensus au Québec, c’est parce qu’il est un leadeur qui incarne le consensus québécois. Le nationalisme de réconciliation, c’est d’abord et avant tout la défense du consensus québécois. Finies, les chicanes entre fédéralistes et souverainistes. Le Québec accepte de faire partie du Canada tout en étant capable de défendre ses intérêts vaillamment. Finies les chicanes entre multiculturalistes et identitaires. Le Québec embrasse un interculturalisme résolument fondé sur la laïcité. Le Québec supporte un gouvernement ni à droite, ni à gauche ni même au centre ou aux extrêmes, puisqu’il a un gouvernement qui fait tout simplement la synthèse de tout ce qui forme le peuple québécois.
Si le nationalisme de réconciliation peut sembler peu conflictuel, il est en réalité très efficace, beaucoup plus que le bête débat sur la date du prochain référendum. C’est le nationalisme de réconciliation qui a permis à François Legault et au peuple québécois de s’affranchir des dogmes du multiculturalisme et d’affirmer la laïcité. C’est le nationalisme de réconciliation qui permettra sur le long terme de remplir les conditions gagnantes pour l’établissement d’un État québécois toujours plus fort et influent au sein du Canada.
Renoncer à l’indépendance n’empêche pas de faire le constat que le Québec forme une nation qui pourrait bien jouer un vilain tour à l’histoire. Vous savez, le Québec traverse présentement la même chose qu’il a traversée après l’échec des rébellions patriotes : la recherche de la fierté perdue. Quand j’observe la géopolitique, il m’arrive d’échanger avec un citoyen d’un pays qui, actuellement, songe à se soulever. Chaque fois, je leur dis la même chose, peu importe le pays où se déroulent les potentiels évènements : perdre une révolution, ça fait mal. Les Québécois ont dû attendre plus d’un siècle après les rébellions avant de connaitre la Révolution tranquille et la modernisation.
On ne mesure pas la grandeur d’une nation ou d’un homme à ce qu’il fait de bon, mais à ce qu’il peut subir et endurer tout en survivant et continuant tout droit. Si le Québec a pu survivre à la Grande Noirceur et continuer son combat nationaliste malgré les échecs référendaires, c’est grâce à des leadeurs qui ont su prendre le pouls de leurs époques et guider les Québécois vers d’autres horizons. C’est ça, la vraie force du nationalisme de réconciliation : permettre, en mettant fin aux vieilles chicanes, de regarder droit devant.