Le réseau social où tout le monde se ressemble : Bluesky atteint les 40 millions d’utilisateurs

Le réseau social décentralisé Bluesky vient d’atteindre la barre symbolique des 40 millions d’utilisateurs. Mais au lieu de se contenter de célébrer sa croissance, la plateforme lance une phase bêta d’un bouton « je n’aime pas ». Comme l’explique Sarah Perez dans TechCrunch, cette fonction servira avant tout à affiner la personnalisation du fil Discover, permettant aux usagers d’indiquer les types de contenus qu’ils souhaitent voir moins souvent. Derrière ce geste technique, Bluesky prétend vouloir rendre les échanges plus « respectueux, amusants et authentiques ». Pourtant, certains y voient déjà l’amorce d’un contrôle social déguisé sous les habits du progrès technologique.

Bluesky se veut différent des réseaux centralisés comme X (anciennement Twitter). Son modèle décentralisé donne aux utilisateurs le pouvoir de gérer eux-mêmes leur environnement numérique. Sarah Perez souligne que la plateforme offre déjà divers outils : listes de modération collectives, filtres de contenu, mots masqués, abonnement à des services externes de modération et même la possibilité de détacher les publications citées pour éviter les campagnes de moquerie. L’idée est noble : offrir de l’autonomie. Mais, en pratique, cela pousse chacun à modeler une bulle parfaitement adaptée à ses goûts, à ses opinions et à ses sensibilités, au détriment de l’exposition à la diversité du débat public.

Le bouton « je n’aime pas » s’ajoute à cette logique. Il ne servira pas à humilier l’auteur d’une publication, mais à éduquer l’algorithme. À mesure que les utilisateurs cliqueront sur ce bouton, le système apprendra ce qu’ils rejettent, et ajustera les fils de discussion et les classements de réponses en conséquence. Bluesky affirme que cette fonctionnalité réduira les contenus toxiques, mais Sarah Perez met en garde contre les effets de bord : en éliminant les désaccords ou les sujets inconfortables, la plateforme pourrait renforcer la polarisation et transformer le réseau en un espace d’opinions aseptisées.

Dans la même logique, Bluesky annonce une refonte complète de la manière dont les conversations apparaissent dans les fils. Une innovation importante sera la cartographie des « voisinages sociaux », un concept qui relie entre eux les utilisateurs qui interagissent souvent. Les réponses et publications issues de ces cercles « proches » seront désormais privilégiées. Cela permettra, selon la compagnie, de rendre les discussions plus pertinentes et plus personnelles. Sarah Perez souligne cependant que ce type d’approche risque de transformer Bluesky en une mosaïque de micro-communautés isolées, où les échanges tournent en rond au lieu de s’enrichir de points de vue opposés.

Perez cite aussi un exemple tiré de Threads, la plateforme concurrente de Meta. Le journaliste Max Read y avait observé que les conversations semblaient apparaître sans lien clair, menant à une expérience confuse. Bluesky croit pouvoir résoudre ce problème avec ses nouveaux outils de cartographie sociale. L’entreprise espère que cela rendra la navigation plus fluide et la compréhension des fils plus naturelle. Mais cette volonté de proximité algorithmique, tout en améliorant la convivialité, risque aussi d’enfermer les utilisateurs dans leurs propres « quartiers idéologiques ».

Parmi les autres améliorations mentionnées, Bluesky met de l’avant un modèle plus performant pour détecter les réponses toxiques, les spams et les interventions de mauvaise foi. Ces contenus seront désormais relégués en bas des fils, dans les recherches et les notifications. Le bouton « Répondre » subit aussi une modification : il mènera d’abord vers la conversation complète avant d’ouvrir l’espace de rédaction. Cette mesure, selon la direction de Bluesky, devrait inciter les utilisateurs à lire avant de répondre, évitant les malentendus et les répétitions qui plombent souvent les discussions sur X.

Enfin, les paramètres de réponse seront plus visibles afin de rappeler à chaque membre qu’il peut limiter qui a le droit de commenter ses publications. Là encore, le discours officiel met en avant la personnalisation et le contrôle. Mais la question demeure : à force de vouloir tout filtrer, ne risque-t-on pas de transformer les réseaux sociaux en zones aseptisées, où chacun ne voit plus que ce qu’il aime ?

Sarah Perez conclut que Bluesky cherche à se positionner comme une alternative plus saine et plus humaine aux grands réseaux centralisés. Pourtant, la multiplication des filtres, des blocages et des systèmes de notation pourrait bien créer un univers où la contradiction disparaît doucement au profit d’un confort algorithmique. Un monde sans cris, sans heurts, mais peut-être aussi sans vitalité.

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