Victor-Lévy Beaulieu, aussi connu sous ses initiales VLB, est décédé récemment à l’âge de 79 ans. Il aura marqué une époque par sa prose foisonnante, en explorant de grands auteurs comme James Joyce, Hermann Melville, ou encore en tant qu’éditeur audacieux. Patriote infatigable, pamphlétaire passionné par l’avenir des régions, il laisse derrière lui un vide immense. On en vient à se demander ce qu’il adviendra lorsque les derniers des Mohicans du Québec auront tous disparu. Hommage à un grand écrivain.
VLB a toujours été animé d’une passion viscérale pour le Québec. Il a écrit un nombre impressionnant d’ouvrages, dans des genres multiples. Impossible de l’enfermer dans une seule catégorie. Il a signé des essais politiques, des pièces de théâtre, des romans, des scénarios pour la télévision, des biographies, des entretiens, et même un essai consacré à son amour des animaux.
Il s’est penché sur les géants de la littérature mondiale : Cervantès, Melville, Joyce, Hugo, Nietzsche, sans oublier Jack Kerouac, né de parents canadiens-français mais ayant vécu toute sa vie aux États-Unis. Son œuvre est unique dans la francophonie – et peut-être même au monde. Comment exister comme Québécois, peuple de dix millions d’âmes à peine, dans un monde aussi vaste et éclaté ?
VLB nous a offert des réflexions profondes sur la condition québécoise, et sur les chemins à emprunter. Il croyait fermement en l’indépendance, en la culture, en la langue française et en la vitalité des régions. Il était un passionné du Bas-Saint-Laurent, en particulier de son fief : Trois-Pistoles. Mais au-delà de la mort d’un écrivain, c’est tout un monde qui s’efface peu à peu.
On pense aux comédiens Julien Poulin et Michel Côté, au poète-rocker Lucien Francoeur, à ces politiciens partis les uns après les autres – Jacques Parizeau, Bernard Landry… Le Québec perd ses grandes figures. Non pas qu’il n’existe pas de jeunes talents, mais ces pionniers, qu’ils aient été révolutionnaires tranquilles ou plus enracinés, ont profondément marqué l’âme du Québec. Et l’on se demande qui pourra bien reprendre le flambeau.
Même si Pierre Falardeau est mort en 2009, il nous manque toujours autant. Ses coups de gueule, son militantisme enflammé, ses valeurs sans compromis nous manquent cruellement. VLB appartenait à cette génération qui n’avait pas froid aux yeux, qui ne se pliait pas aux diktats du politiquement correct.
Et maintenant, que reste-t-il ? Le wokisme est en train de grignoter une culture que des hommes – et des femmes – solides ont bâtie. On « déconstruit » la langue française pour l’adapter aux modes du moment, aux théories du genre, au féminisme radical. Et si ce n’est pas ça, on y insère du franglais comme marqueur de distinction sociale chez les bons chics, bons genres.
Quand les tout derniers représentants de cette génération d’artistes, de créateurs et de politiciens auront disparu, qui restera pour chausser leurs souliers ? Qui osera porter le Québec plus loin que le confort et l’indifférence ? Lorsqu’on regarde ce qui s’offre dans bien des librairies, on se dit au moins que nos aînés nous ont légué un formidable héritage. Mais pour combien de temps encore vivra ce patrimoine ? Finira-t-il, lui aussi, à la poubelle ?