Près d’un an après avoir fui un coup d’État qui a mis fin à plus de deux décennies de règne autoritaire, Bachar el-Assad vivrait aujourd’hui une existence recluse et dorée à Moscou. C’est ce qu’a révélé une enquête approfondie du quotidien allemand Die Zeit, relayée par le média israélien Ynet. Les journalistes décrivent un ancien dictateur métamorphosé en exilé silencieux, installé dans une tour de luxe de la capitale russe, sous la surveillance étroite du Kremlin.
L’enquête indique qu’Assad, âgé de 59 ans, ainsi que sa famille, auraient acquis une vingtaine d’appartements répartis sur trois étages d’un gratte-ciel de prestige, à proximité d’un centre commercial où l’ancien président syrien se promènerait parfois, escorté par des gardes du corps rémunérés par l’État russe. Une source citée par Die Zeit parle d’un « vœu de silence » imposé à Assad, Moscou contrôlant entièrement la narration de son passé et de la guerre syrienne.
Un ancien membre du cercle rapproché du régime, identifié seulement comme « K. », a fourni des détails inédits sur la vie d’exil du dictateur. Cet homme, issu d’une famille influente et ancien haut gradé militaire, affirme qu’Assad a tenté de le faire tuer en 2012 lors d’un bombardement qui coûta la vie à plusieurs de ses gardes du corps. Exilé en Europe, « K. » précise que, malgré la chute du régime, il reste considéré par les nouvelles autorités syriennes comme un représentant de l’« ancienne élite ». Il raconte qu’Assad passe désormais de longues heures à jouer à des jeux vidéo en ligne et qu’il se déplace librement dans Moscou.
Toujours selon les informations recueillies par Die Zeit, l’épouse du dictateur, Asma al-Assad, se trouverait dans un état critique. Après avoir vaincu un premier cancer du sein en 2018, la maladie aurait refait surface au printemps 2024. Le frère cadet de Bachar, Maher al-Assad, logerait pour sa part au Four Seasons de Moscou, où il passerait ses journées à fumer la chicha et à boire.
Les journalistes de Die Zeit disent avoir réussi à pénétrer dans la tour résidentielle abritant la famille Assad. Ils décrivent un environnement ultra-sécurisé, peuplé d’étrangers fortunés et de personnalités politiques. Une agente immobilière locale, désignée sous le pseudonyme de « Natasha », leur a montré des appartements comparables à ceux des Assad : vastes pièces aux meubles crème et dorés, lustres de cristal, cuisines équipées d’appareils allemands, baies vitrées donnant sur la Moskova et sur les gratte-ciels étincelants de la ville. Le summum du luxe, notent-ils, se trouve dans les salles de bain entièrement recouvertes de marbre de Carrare, avec des baignoires chauffées et des fenêtres si hautes qu’on y voit passer les avions à hauteur d’yeux.
Dans un rare signe de vie publique, le fils du dictateur, Hafez el-Assad, est apparu en février dernier dans une vidéo tournée à Moscou, largement relayée sur les réseaux sociaux. Il y racontait les derniers jours du régime syrien, évoquant une fuite précipitée en décembre 2024 alors que les forces rebelles prenaient Damas et plusieurs grandes villes du pays. Étudiant en doctorat dans la capitale russe, Hafez explique que c’est un officier du Kremlin qui aurait ordonné à la famille de rejoindre la base militaire russe de Hmeimim, sur la côte méditerranéenne, avant leur transfert discret à Moscou.
La chute du régime Assad, en décembre 2024, a marqué la fin d’un chapitre sanglant de l’histoire syrienne. Mais à en croire Die Zeit et Ynet, le médecin devenu tyran coulerait désormais des jours tranquilles au cœur de Moscou, dans un exil aussi fastueux que silencieux — prison dorée d’un homme qui, jadis, tenait tout un pays sous sa coupe.



